Rainier Lericolais "Mesures Conservatoires" La première chose sur laquelle insite Rainier Lericolais (ce n'est pas un pseudonyme) lorsqu'il évoque sa musique, c'est que celle-ci est "faite par quelqu'un qui ne fait pas que de la musique", Rainier Lericolais, comme le savent peut-être déjà les amateurs d'art contemporain, étant en effet plasticien (la musique restant toutefois sa "première culture"). Mais qu'il soit pictural ou musical, c'est une préoccupation comparable qui sous-entend son travail : "Grâce à la musique sur ordinateur, on voit le son, on le visualise : ainsi, le son est pour moi, avant tout, un dessin, de même que dans les arts-plastiques, c'est le dessin qui m'intéresse". Ainsi "D 810" la pièce qu'il a récemment réalisée pour l'exposition inaugurale de Centre d' Art Contemporain de Chamarande, est un drapeau où les lignes de couleurs sont en fait des courbes sonores d'un fameux quatuor de Schubert... Autre postulat de départ de cette musique qu'il définit comme "du sampling : ne prendre que des sons issus d'autres musiques, avec le minimum vital d'overdubs. Mais ce, sans que jamais Rainier Lericolais n'oublie la mélodie (il vous une vénération à Astor Piazzolla), fragmentant de manière à la fois systématique et spontanée des motifs originaux jusqu'à pouvoir se les réapproprier. S'il cite comme influences Throbbing Gristle et Ryoji Ikeda("pour la recherche sonore"), Ennio Morricone ("pour l'aspect mélodique") et Simon Fisher-Turner, ses morceaux évoquent plutôt la rencontre entre Nurse With Wound et Jobim, entre Coil et Comelade. C'est qu' "en réaction à la musique fabriquée par nombre de plasticiens, souvent ennuyeuse car saturée de concept", Rainier oppose "une méthode d'écriture (à l'oreille et à l'oeil) héritée d'une culture rock et pop "même si "Reader's Digest", l'album qu'il se prépare à publier chez Optical Sound , conserve un aspect conceptuel dans la forme (ordre et durée des morceaux, présentation du disque). Son activité musicale, "ni alimentaire, ni dilettante" est, comme ses expositions, une manière de donner "au maximum de gens possible" quelquechose qui est de l'ordre du souvenir (une bonnepartie des oauvres de Rainier - des sculptures en cartons - difficilement maniables, sont voués à être détruites à l'issue de leur exposition) et donc de la sensibilté : "il existe différentes façons de conserver un souvenir : les catalogues, les livres...Mais le disque st un moyen qui permet de se raconter ensuite d'autres souvenirs à partir d'une musique". Musique de la fragmentation, collection sensible de pièces détachées qui semble personnifier les effets positifs de la musique d'ameublement dans ce que celle-ci implique de relation au quotidien, la musique de Rainier Lericolais ne s'adresse pas seulement à l'espace, mais rêve de meubler les corps comme les âmes. David Sanson Octopus #13 Hiver 2001 - "jet d'encre"